Il y a quelques mois de cela, nous avons été appelés par un laboratoire pharmaceutique en cours de réorganisation. Le terrain résistait fortement au projet, et les dirigeants souhaitaient comprendre pourquoi. Leurs interrogations étaient d’autant plus fortes qu’ils avaient fourni un effort particulier d’explication des enjeux de la transformation au personnel, mettant en évidence son enjeu vital pour tous.
De nombreuses hypothèses circulaient au sein du management sur les raisons du blocage. Naturelle « résistance au changement » pour certains, « période de deuil » précédant l’acceptation de toute nouveauté pour d’autres. Une troisième hypothèse était que les salariés ne trouvaient « rien à gagner » au changement.
Nous sommes allés sur le terrain. Qu’avons nous découvert ? Les salariés avaient parfaitement compris les enjeux du projet. Ils ne semblaient pas avoir peur et savaient ce qu’ils avaient à gagner. Simplement, ils n’avaient pas confiance dans la capacité de leurs dirigeants à mener à bien la transformation. Pourquoi ? En raison d’un sentiment très marqué que ces derniers étaient déconnectés des réalités du terrain. Une anecdote, relatée par une laborantine, traduisait parfaitement cela. Neuf mois plus tôt, lors de travaux de rénovation du bâtiment, le distributeur d’ « essuie-tout » adjacent à sa paillasse avait été déplacé quelques centimètres trop près de l’évier. La première feuille sortant de la tirette était donc systématiquement humectée de quelques gouttes d’eau. Cela la rendait inutilisable, compte tenu des normes d’hygiène et de qualité à respecter. Sa ligne hiérarchique était au fait de la situation, mais n’y portait pas une grande attention. Il ne s’agissait que de quelques gouttes d’eau. Ce n’était pas prioritaire.
Au bout de neuf mois, le problème n’était toujours pas réglé. Et cette laborantine de s’interroger sur les chances de réussite d’une transformation, vitale pour l’avenir de tous, mais conduite par des dirigeants « qui ne savent déjà pas comment nous travaillons » (sic).
Ce cas d’entreprise est emblématique de ce que nous constatons régulièrement. Ce dont les dirigeants ont besoin, pour réussir des transformations difficiles, c’est de la confiance du terrain. Et celle-ci se gagne avant tout en montrant que les dirigeants connaissent et intègrent les contraintes quotidiennes du terrain.
Comment s’y est alors pris le laboratoire ? Les dirigeants ont lancé un nouveau chantier destiné à mieux appréhender les réalités du terrain et regagner la confiance du personnel. Par des circuits d’échanges d’information plus simples et plus courts, par un suivi plus rigoureux du traitement des dysfonctionnements locaux, par l’organisation de tournées terrain. Enfin, par l’expérimentation d’un dispositif innovant : à chaque comité de direction, une équipe du terrain vient y exposer directement un problème qu’elle rencontre, et y partager ses idées de solution avec les dirigeants. C’est aussi cela, la conduite du changement.
Bravo David, bravo Antoine, prendre en compte ce qui est réel ( et non pas ce qui est pensé) est la seule garantie d’emmener tout le monde dans les projets ! cela nécessite de l’écoute et de l’humilité, observer sans juger. Bonne continuation Thierry